CONFIDENCES – MA VIE AUPRÈS D’ANDRÉ MOREAU —

Je voulais savoir, je voulais comprendre. Mais je devais m’assurer de ne pas me faire piéger par un gourou. André Moreau semblait avoir toutes les réponses. Alors… je l’ai bombardé de questions !

D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Pourquoi sommes-nous venus sur terre ? Pourquoi mourons-nous ? Pourquoi dire que le hasard n’existe pas ? Qu’est-ce que la synchronicité ? Pourquoi se rappeler de ses rêves? En quoi l’érotisme et la sexualité représentent-ils l’affranchissement de la personne ? Pourquoi approuver le mal au lieu de tenter de le combattre ? Qu’est-ce que Dieu ? Pourquoi l’homme n’a pas à se sentir coupable d’une faute originelle ? Pourquoi dire que la réalisation consiste en un anti-destin ? Etc., etc.

Avec patience et compréhension, il répondait à chacune de mes questions. Mais comme les réponses n’étaient pas toujours parfaitement comprises et intégrées, je revenais souvent sur les mêmes points. Et lui, inlassablement, me réexpliquait que nous venons de notre futur, – qui nous a mis au monde pour répondre au besoin que nous avions de nous-mêmes – reprenant ainsi le beau mot de Malraux. Il me répétait que notre destination finale est d’être, mais que très peu y parviennent; que le hasard ne représente en réalité que des coïncidences préparées par nous et pour nous dans le secret de notre intimité avec les êtres ou les situations concernés; que la synchronicité nous rappelle que l’invisible se situe au coeur même du visible ou encore que les rêves nous familiarisent avec notre corps subtil et l’éternité.

Je me souviens des cents pas que nous faisions en début de soirée sur la terrasse du toit de l’immeuble et où André me parlait de l’être qui n’existe pas au départ, puisque la personne n’est rien tant qu’elle ne s’est pas convertie en ce qu’il y a de plus vaste en elle, ou encore de l’importance de s’avantager dans la vie. Mais oui, bien sûr, tout le monde savait ça ! Mais… que voulait-il dire au juste par ‘’s’avantager ‘’, si ce n’est de toujours se poser la question avant de parler ou d’agir : est-ce que cela m’avantage ou me nuit, non pas dans le sens d’un calcul mais d’une conscience constamment aux aguets ? Et puis encore, si je condamnais quelqu’un ou quelque chose, ne savais-je donc pas que tel un boumerang, ces condamnations reviendraient vers moi aussi sûrement que la façon dont je les avais lancées ?

En outre, si j’écoutais davantage les autres que ma propre intuition, ne me trouvais-je pas ainsi à me renier moi-même et à m’annuler ? M’aimer inconditionnellement, me faire confiance intégralement, oser être celle que je suis sans arrogance ni prétention mais avec toute la force de mon ‘’Je suis’’ à naître, n’y aurait-il pas au fond que cela qui compte ? Si chacun en faisait autant, tous les problèmes d’inégalité seraient réglés d’un coup.

Oui, et l’amour dans tout ça ? Pour aimer, il faut avoir du bonheur à donner : il faut être ! Seul celui qui est complet par lui-même (pratiquement personne sur terre !) est en mesure d’aimer véritablement. La jalousie, l’esprit de compétition, la susceptibilité, le chantage émotif, l’affectivité troublée, le manque de confiance en l’autre, tout cela découle de l’amour contrarié. Ce n’est certes pas l’amour inspiré de l’être. Mais l’amour inconditionnel alors ? Impossible sur terre ! Es-tu capable d’aimer Staline, les tueurs en série, ton voisin qui parfois fait un peu trop de bruit ? Non, tu peux seulement les comprendre… si tu es assez vaste. En apprenant à les bénir, tu peux les harmoniser sans avoir à les aimer, car aimer son prochain est une lourde tâche qui finit par nous amener à un état de crise et à la guerre. Oui, cet amour d’autrui imposé par la religion mène à la violence et à la mort ! L’amour sans être n’est qu’une forme de déliquescence où les individus soi-disant profonds et bien intentionnés n’aboutissent qu’à une forme de lyrisme larmoyant.

Tant que les émotions générées par la sexualité, l’érotisme et l’amour ne sont pas éduquées, c’est-à-dire amenées au second niveau de la pensée pour pouvoir constituer un centre de gravité permanent, comme le proposait monsieur Gurdjieff, tant que nous ne sommes pas capables d’appuyer notre conjoint s’il éprouve du désir pour une autre personne que nous, pouvons-nous en tout état de cause parler de spiritualité ? Non, car là où le bât blesse, c’est par là qu’il faut commencer pour s’ouvrir à l’infini – pour être ! C’est ce qu’enseigne le jovialisme.

En dépit de mon ouverture d’esprit face à la nouveauté, je peux affirmer que personne avant André, ni encore aujourd’hui, n’a réussi à fournir autant de réponses franches et pertinentes à mes grandes questions existentielles.

Les anges, les guides, les pendules, le yoga, la méditation, les formules consacrées que tous répètent, c’est bien beau, mais aux prises avec les problèmes de la vie quotidienne, est-ce que cela change réellement quelque chose ? La personne la plus spirituelle, celle qui se croit en concordance parfaite avec l’univers, est-elle toujours capable de s’entendre avec son conjoint ou son collègue de bureau ? Peut-elle s’abstenir de condamner la femme maquillée et bien mise sous prétexte que l’authenticité se perçoit dans le naturel ? Et encore, le fervent de toute religion ou idéologie mystique qui prône l’amour altruiste, aussi réalisé qu’il puisse sembler avec ses mots doucereux de fraternité et d’universalité, s’il devient subitement très amoureux, est-il assez souple, suffisamment ouvert d’esprit, conciliant et bienveillant pour pouvoir – par amour pour l’autre – accueillir aimablement et sans crise de jalousie ou esprit de possessivité un second amant de sa bien-aimée ? Est-il capable d’appui, d’approbation, de compréhension envers ces personnes sans se sentir frustré, abandonné, trahi ou simplement dépassé par la situation ? Qu’advient-il à ce moment-là de sa belle et grande humanité, de ses paroles angéliques, de ses propos mielleux d’amour inconditionnel ? On se doute de la réponse, n’est-ce-pas ?

Comprend-on maintenant pourquoi le jovialisme est discrédité, ridiculisé et banalisé ? Il représente la hache mise dans nos illusions.

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