Chapitre 15

Lorsque je remontai au salon, drapée de ma serviette, Joël reposait sur le canapé, étendu de tout son long, l’air langoureux. Il se leva et descendit se rafraîchir à son tour.

   Il vint me rejoindre ensuite, le corps à demi couvert d’un drap de bain qui laissait voir son torse basané, s’avançant pieds nus vers moi. Je l’attendais, étendue, faussement alanguie. Il s’assit sur le fauteuil, à mes côtés. Un seul regard chaud et intense suffit pour qu’il se penche sur moi et que, dans un geste très doux, il vienne déposer sur mes lèvres un baiser chargé d’émotion. Nous nous contemplâmes à nouveau pendant quelques secondes dans la ferveur d’une intimité naissante. Je saisis ses mains et l’invitai à s’étendre sur moi. Nous nous embrassâmes à nouveau, cette fois, très ardemment.

     __ Je suis amoureuse de toi, Joël, lui confiai-je, la voix transformée par une émotion retenue depuis déjà trop longtemps.

    __ Moi aussi, Jenny, je suis amoureux de toi, reprit-il aussitôt dans un émoi au moins aussi grand que le mien. 

   Il me prit dans ses bras, me souleva et m’emmena jusqu’à la chambre à coucher. Dans la demi-obscurité, il m’étendit sur le lit en me libérant de ma serviette. Il vint s’étendre sur moi de tout son long après s’être défait de la sienne. Enfin! Je pouvais caresser à ma guise ses fins cheveux si doux, si soyeux, sa nuque forte et chaude qui me donnait l’impression de le posséder tout entier lorsque je la pressais fermement de la main. Je ne cessais de palper passionnément ses épaules, ses bras, son torse, son dos, ses fesses et, alternant mes mouvements, de les caresser avec beaucoup de douceur. Quand je saisis ses poignets pour la première fois au cours de nos ébats, je constatai, avec bonheur, qu’ils étaient larges et puissants. Sans savoir pourquoi, je réalisai que de pouvoir les serrer de mes mains avec vigueur accentuait mes sensations. Nos jeux étaient tantôt folâtres, tantôt empreints de gravité. Notre excitation grimpait. Je sentais son souffle chaud, saccadé par moments, m’effleurer l’épiderme. Plaisirs lascifs, regards complices, étreintes sensuelles chargées de désir, caresses douces et baisers prolongés nous mirent dans un état où un geste impérieux devenait nécessaire.  Il introduisit en moi son sexe long et vigoureux et je fus plongée dans un abîme de délectation.

   C’est ainsi que notre première rencontre amoureuse, vécue dans la pénombre bienheureuse d’une nuit inspirée, nous permit de fusionner nos corps enflammés, comme si le temps n’existait plus, dans la folie d’un ardent épanchement mutuel. Notre sensibilité nous avait unis dans une même extase.

   __ Joël, je ne sais comment te dire, lui chuchotai-je au moment où, blottie contre lui, je me reposais à ses côtés, ce que nous venons d’éprouver ensemble me semble tellement irréel que j’ai l’impression de vivre un conte de fées. J’ignore si la magie du lieu ou de la musique a amplifié nos émotions, mais…

   Sans me laisser le temps de continuer Joël me répondit doucement, très amoureusement : « Jenny, tu sais ce qui se passe en ce moment? Un dieu vient de s’unir à une déesse. Voilà ce qui est arrivé. Toi et moi, voilà le miracle! »

     __ Oui! C’est bien cela : un dieu et une déesse. Nous deux réunis, acquiesçai-je, comblée.

   Je réalisai, au même instant, combien cet homme merveilleux ravivait en moi le sentiment de ma propre identité divine, comme si Apollon lui-même venait de s’unir à moi!

    Je lui racontai le rêve que j’avais fait deux semaines après notre rencontre. Je lui dévoilai aussi l’espoir que j’avais entretenu tout ce temps de m’en rapprocher. Lui, de son coté, me fit cette confession : « À la seconde où je t’ai vue à l’aéroport, j’ai su immédiatement que tu étais la femme que j’avais recherchée pendant ces trente-six dernières années, la femme que j’aimerais toujours. J’avais compris également, poursuivit-il en souriant, que, d’une manière ou d’une autre, le temps finirait par nous réunir! Jenny, tu es ma princesse éternelle », me chuchota-t-il à l’oreille en m’étreignant à nouveau.

   Nous nous enlaçâmes encore et encore jusqu’à ce qu’épuisés, le sommeil nous emporte dans les bras l’un de l’autre sans même qu’un demi-millimètre de peau ne nous sépare.

   J’étais prise au piège de l’Amour. J’y avais consenti. Plus que jamais j’étais consciente de ma faiblesse. J’adorais cet homme, je l’admirais, je l’aimais. Oui, comme je l’aimais! Il me possédait et je me laissais posséder tout entière.

   Pendant la nuit, mon sommeil fut interrompu par une sorte de signal d’alarme. Une voix en moi me disait que je devrais rester vigilante, garder la tête froide, sous peine de brûler toutes mes convictions dans les affres de l’illusion. Je ne dois pas devenir son ombre ou sa douce moitié, me répétais-je silencieusement. Je dois rester à son contact une femme libre, autonome, stable, capable de se multiplier au lieu de se diviser. Je le regardai dormir, songeai à mon immense bonheur d’être enfin à ses côtés, mais en même temps, je pensais à Moreau, cet homme tellement exceptionnel qui m’aimait, et que j’aimais. Je pus tranquillement me rendormir auprès de Joël, heureuse et apaisée, sachant que l’un n’empêchait pas l’autre.

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