Chapitre 10

Les boissons consommées, anxieux de me réserver une prochaine surprise, mes deux compagnons m’invitèrent à sortir un maillot de bain de ma valise. Ils avaient loué un yacht pour la journée et se proposaient de me faire découvrir la mer et ses plages avoisinantes.

   Vivement donc, après m’être emparé d’un bikini fleuri, je m’élançai à leurs côtés en direction du bateau qu’ils avaient réservé. Aussitôt montés à bord, les deux hommes retirèrent leurs vêtements sous lesquels ils avaient déjà enfilé leur maillot. La situation étant différente pour moi, je dus échanger ma robe contre mon bikini sans avoir trop l’air de me livrer en spectacle. J’y parvins, non sans excitation toutefois, ayant déjà surpris deux inconnus tout près qui m’examinaient avec convoitise. Sans compter, bien sûr, les regards obliques de mes deux golden-boys qui, malgré leur air de discrétion sans pareil, se régalaient de la scène!

   Je me sentis un moment intimidée à la vue de ces deux beaux corps sculptés, presque nus. En fait, chacun à sa façon représentait un type de beauté masculine auquel aucune femme n’aurait pu résister. Je n’en laissai rien paraître cependant, m’appliquant à étaler sur ma peau la crème solaire fournie par Dieter, comme ils le faisaient eux-mêmes.

   Dieter prit la roue et m’invita à m’installer sur le siège à côté de lui. Debout près de nous, Joël surveillait les manœuvres en s’agrippant au pare-brise de l’embarcation. Le moteur gronda, le bateau prit la direction du large et bientôt nous filâmes à vive allure.

   Plus le bateau s’éloignait de la côte, plus je découvrais l’étendue de ses rivages sablonneux. Des milliers de gens, de plus en plus minuscules au fur et à mesure que la distance augmentait, se laissaient dorer au soleil, tandis que d’autres se baignaient et s’amusaient dans l’eau. Les hôtels, tous plus spectaculaires les uns que les autres, s’alignaient à perte de vue le long de la grève. L’air marin, très chaud, nimbé d’embruns provoqués par la vitesse du yacht qui fendait les flots, me câlinait la peau comme une onde rafraîchissante. Je me trouvais privilégiée de pouvoir vivre un tel moment de grâce et je me demandais si mes acolytes, habitués à ce genre de vie, pouvaient encore s’en émerveiller.

   Après une vingtaine de minutes sur l’eau, alors que Joël venait tout juste de m’indiquer du doigt les plages luxuriantes de Cannes, surgit soudain, sur la droite, apparemment venu de nulle part, un gros yacht en furie qui vint nous couper le chemin. Dieter, surpris, mais toujours aussi intrépide, s’empressa, d’un coup de barre, de fendre les vagues en accélérant violemment. Je dus m’accrocher fermement à mon siège afin d’éviter de me retrouver à l’eau, tant les soubresauts étaient rapides et saccadés. Du coin de l’œil, je surpris Joël en train de lancer un regard réprobateur à son équipier, afin de lui faire connaître son mécontentement quant à ses prouesses… un peu trop à la James Bond à son goût! Il n’en fallait pas plus, cependant, pour que Dieter, satisfait de l’effet produit par sa manoeuvre, ne s’en montre que plus heureux. Le cœur en fête, il se mit à chantonner très fort un quelconque hymne à la joie, de son cru il va sans dire, brandissant vers le ciel ses bras grand ouverts. Quel spécimen, tout de même, que cet Allemand, songeai-je, charmée par tant d’audace et de vitalité.

   L’Allemand en question se calma puis, plus paisiblement cette fois-ci, s’aventura au large.

   Comme il me fut bon alors de m’enivrer de l’odeur maritime, de profiter de l’ardeur du soleil sur ma peau, de savourer chaque instant de ce nouveau bonheur! Une paix profonde m’envahit, une belle quiétude. Dans un grand silence où le bruit du moteur semblait absorbé, seul le chuintement de l’eau sur notre passage chantait, de connivence avec la brise, quelque ode hypnotique à la pureté de la lumière d’une douceur infinie.

   Subitement, quelque chose d’inattendu se produisit : le moteur s’arrêta net.

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