CONFIDENCES – MA VIE AUPRÈS D’ANDRÉ MOREAU 

Journal 1995, 2 Septembre

Je continue de faire des appels pour André dans le but de lui planifier des conférences dans la Mauricie où il est souvent actif dans les salles publiques et les médias. Mais je ne me fais plus d’illusion. En conversant avec Francine dernièrement, je lui racontais que tout ce que j’avais entrepris jusqu’à maintenant pour soutenir son œuvre n’avait donné que de piètres résultats.

Dès la première fois que j’ai assisté à une conférence d’André, j’ai entrevu l’ampleur de son enseignement et les répercussions qu’il pouvait avoir sur les gens. Je n‘en avais pas une vision très précise, mais je savais qu’il s’agissait là d’un message venant de l’esprit et auquel j’avais le devoir de m’associer. Je me trouvais en présence d’un homme d’envergure qui avait su développer un vaste système de pensée. Aussi, fort enthousiasmée à l’idée que je pouvais peut-être l’aider à faire connaître son oeuvre, j’ai aussitôt fait imprimer des dépliants pour annoncer les conférences qu’il donnait dans un grand restaurant et je les ai affichés un peu partout dans la ville sur les poteaux des rues et sur les babillards des bars et des endroits publics. Mon objectif était de remplir sa salle de gens avides de se familiariser avec le jovialisme ! Résultat : une ou deux personnes seulement se sont présentées dans les semaines qui ont suivi.

À peu près dans le même temps et avec l’autorisation de la gérante de l’établissement, j’ai placé des petits cartons affichant les dates et les titres des conférences sur les tables afin de rappeler à la clientèle le genre d’activité qui avait lieu à cet endroit. Lorsque je revins la semaine suivante, il n’y avait plus aucune trace de ces cartons. On les avait escamotés ! Je ne les ai jamais revus par la suite et n’ai obtenu aucune réponse satisfaisante permettant d’expliquer leur disparition.

Mais cela n‘était pas pour me décourager ! Avec l’argent que j’ai emprunté sur ma carte de crédit déjà bien remplie, j’ai ensuite fait passer trois belles annonces publicitaires des conférences d’André dans le quotidien de la ville, persuadée que j’allais attirer des gens intéressés. Pour m’aider à défrayer ces coûts onéreux, j’avais préalablement demandé la collaboration de la propriétaire du restaurant qui m’avait promis un soutien… qui ne s’est jamais concrétisé. Une des serveuses m’a confié qu’à la suite de cette parution, une vingtaine de personnes au moins avaient appelé pour avoir des renseignements. Mais encore là, aucune nouvelle personne ne s’est présentée. La propriétaire m’a dit que les clients s’attendaient à ce qu’une conférence gratuite accompagne un repas. Cela n‘était absolument pas envisageable et j’avais été très claire à ce sujet dans l’annonce. Cherchez l’erreur !

Un mois plus tard, j’ai à nouveau fait imprimer la liste de ses conférences, cette fois-là sur des cartons roses plastifiés destinés aux boutiques et aux commerces de la région. Une conférence gratuite était accordée à quiconque revenait avec le carton. Mais les marchands se sont montrés récalcitrants. Ou bien ils refusaient carrément, ou bien les cartons restaient là trois ou quatre jours tout au plus. Finalement, jamais personne ne s’est présenté à la suite de cette tentative.

Toujours à la même époque, je suis revenue à la charge avec 300 dépliants que j’ai déposés sur le pare-brise des voitures garées dans le stationnement de l’Université de Trois-Rivières. Cette forme de publicité allait sûrement attirer les étudiants avides de connaissances ! Un tarif spécial était accordé à ceux qui se présenteraient à une conférence avec le dépliant. Encore une fois, résultat nul, à l’exception d’une régulière, heureuse de pouvoir assister à bas prix à une conférence qu’elle aurait dû normalement payer.

Mais ce n’est pas tout. J’avais organisé un grand souper pour les esthéticiennes de la Mauricie ainsi que pour celles de Montréal à qui j’avais donné dans l’année une formation spécialisée en communication. Les deux soirs en question, j’avais invité André à prononcer une conférence avec l’espoir que quelques-unes d’entre elles assisteraient éventuellement à ses soirées. Mais je rêvais encore. En dépit du fait qu’il fut applaudi à tout rompre, trois jeunes femmes en tout se sont présentées à quelques reprises. J’aurais dû le deviner : trop enracinées dans leur conformisme, aucune ne souhaitait changer quoi que ce soit à sa vie fondée sur le paraître.

Et puis, j’ai contacté le poste de télévision local pour vérifier si on pouvait recevoir André en ondes. Déjà invité à plusieurs reprises, cela ne convenait pas pour le moment. J’appelai finalement Alexis Klimov, professeur de philosophie afin de lui proposer une rencontre au Centre Culturel avec ses élèves et André qu’il connaissait et estimait hautement. Il accepta avec plaisir !

J’invitai derechef les médias de la région. Aucun d’eux ne se présenta à la conférence. Environ une quarantaine de personnes se présentèrent, des étudiants pour la plupart, et quelques marxistes récalcitrants qui ne firent heureusement aucun grabuge malgré leur air menaçant. Sur le lot, deux personnes assistèrent aux conférences d’André par la suite durant un court laps de temps.

Comment expliquer cela ? Je ne comprends pas comment certains bonimenteurs de pacotille, des motivateurs à la gomme plus ou moins articulés ou de faux-gourous arrivent à remplir des salles et à se faire beaucoup d’argent en disant n’importe quoi alors que le plus grand philosophe du Québec est ignoré ! Se pourrait-il que les Québécois apprécient davantage des banalités qui flattent leur Égo que la philosophie ? Comment un peuple peut-il alors espérer la souveraineté s’il ne sait même pas reconnaître son plus grand homme ?

P.S. C’est encore pareil aujourd’hui en 2018. En dépit de tout ce que j’ai pu faire depuis sur Facebook ou ailleurs pour mieux faire comprendre l’enseignement jovialiste, les choses n’ont pas bougé après 24 ans. Pour ne pas avoir su écouter notre philosophe venu nous enseigner la voie royale du Bonheur, nos enfants et les enfants de nos enfants vont malheureusement continuer de souffrir encore longtemps, j’en ai bien peur…

 

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