CONFIDENCES – MA VIE AUPRÈS D’ANDRÉ MOREAU

Extrait du Mirage corse (à paraître) qui fait suite à La Fuite en bleu. Il relate certaines aventures amoureuses de Jennifer – moi-même ! – après son retour d’Europe.

Pour ne pas sombrer dans une peine d’amour qui aurait pu m’anéantir, le choc après coup étant déchirant, Moreau m’avait suggéré de diluer cette souffrance dans une suite d’expériences compensatoires.

Déjà familière avec l’idée de partager ma vie avec plus d’un homme dont Moreau, bien entendu, qui m’aidait à constituer le noyau de cette vie amoureuse complexe, je me permis encore une fois d’explorer de nouvelles possibilités, me délectant à outrance d’intrigues exaltantes.

Donc, depuis mon retour de France, il y avait, outre Moreau dans ma vie, Carlo, Francis, Jordi, ainsi que les Latinos ou les Noirs que je ramenais parfois de la discothèque le jeudi soir.

Mes amants réguliers connaissaient mon mode de vie et n’ignoraient nullement la présence des autres hommes dans mon existence. S’ils persistaient à rester à mes côtés tout en me témoignant une affection réelle dont je ne pouvais douter, c’était, je crois, parce qu’ils appréciaient que je ne leur mente pas.

Peut-être certains esprits étroits et puritains, privés pour différentes raisons d’une sexualité riche et épanouie, s’imaginent-ils que les hommes ne puissent rester insensibles aux faveurs d’une belle femme et que d’en profiter au maximum soit normal, mais, ce serait à mon sens oublier que le plaisir partagé profite toujours aux deux parties. Auprès de moi mes amants apprenaient à se familiariser avec l’importance de la vérité et de la liberté dans les rapports amoureux, et c’est ensemble, consciemment, que nous expérimentions cette nouvelle avenue.

Cette époque s’avéra très fructueuse et enrichissante pour moi sur le plan humain, car, en plus de créer des liens intimes avec des Québécois férus de l’enseignement jovialiste, je côtoyais, comme je l’ai dit, des hommes de nationalités diverses. Outre mes bronzés, pour certains très foncés, dont un splendide Haïtien hyper sexy dans ses pantalons de cuir qui venait parfois frapper à ma porte à trois heures du matin pour baiser –  et que je recevais la plupart du temps avec ravissement! −, je fréquentai un Juif d’Israël d’une cinquantaine d’années qui me quitta au bout de cinq mois, Inapte à suivre mon mode de vie et incapable d’accepter qu’une femme ne cuisine pas (j’ai déjà dit que la popote n’était pas ma tasse de thé), ce qu’il considérait comme… absolument anormal! J’eus la joie de partager de beaux moments auprès d’un jeune Grec d’un mètre quatre-vingt-dix qui, malheureusement, dut bientôt rejoindre sa famille dans son pays natal, puis ensuite auprès d’un charmant Vénézuélien. S’ajouta un Colombien romantique un peu trop épris de moi, qui se fit trafiquant de cocaïne dans l’espoir de m’acheter tout ce que je souhaitais et qui, frustré de ne pouvoir gagner mon amour de cette manière, me soumit à du harcèlement pendant deux ans.

C’est vrai qu’à cette époque on pouvait penser que j’étais devenue libertine. Mais la question n’est-elle pas toujours de savoir : Qui fait quoi?

Selon les critères de l’enseignement jovialiste, j’apprenais à tout me permettre avec confiance sans me sentir coupable de rien, à profiter pleinement et intelligemment de ma vie en vue de me réaliser à travers elle, à exploiter ma sexualité qui représente un gage de développement par la possibilité d’ouverture aux autres qu’elle offre.

De plus, je continuais à noter mes rêves, ces sources de connaissances inépuisables qui me rappelaient l’importance de l’invisible au cœur du visible. Je n’étais pas sans comprendre que ma vie onirique me familiarisait avec ma propre immortalité, puisque pendant mon sommeil je m’entraînais à me mouvoir avec mon corps éthérique sur un plan intemporel.

Il suffisait de laisser en permanence sur ma table de chevet un carnet et un stylo de manière à pouvoir y jeter la nuit quelques mots-clés concernant mes rêves. Au matin, il ne me restait plus qu’à les reconstituer en totalité. Grâce à cette simple méthode qui m’obligeait à ouvrir les yeux dans la pénombre et ainsi à imprégner mon sommeil de ma conscience de veille, j’en arrivais quelquefois à pouvoir intervenir « consciemment » dans mes rêves. Si par exemple quelqu’un me pourchassait, au lieu de me sauver pour tenter de lui échapper, je me rappelais mon être profond, inaltérable, et je me bénissais tout en me répétant que ce malotru n’était qu’une représentation dans mon esprit. Ce dernier disparaissait alors comme par magie. Je savais pertinemment que dans mes rêves je me déplaçais avec mon corps subtil et que, si je m’habituais le jour à bénir, il me serait également possible de le faire la nuit durant mon sommeil.

Apprendre à gérer l’étonnant, le surnaturel, le fantastique me procurait beaucoup de plaisir parce que je savais qu’ainsi je façonnais graduellement, patiemment, et consciemment mon identité éternelle. J’aimais bien cette maxime de Nicolas de Cues qui me rappelait qu’en s’intéressant aux choses qui ne périssent pas, on s’aide soi-même à ne pas périr.

En plus de l’étude sérieuse de mes rêves, qui représentait pour moi une forme d’investissement sur moi-même, je nourrissais mon esprit des écrits du philosophe et j’assistais régulièrement à ses conférences comme par le passé. J’essayais vraiment d’appliquer dans ma vie ce que je saisissais de cet enseignement.

« Quiconque le veut intensément, disait Moreau, peut en arriver à constituer son être en actualisant cette prodigieuse énergie en lui. »

C’est pourquoi, je peux le dire aujourd’hui, cette époque prolifique en expériences oniriques, en intrigues amoureuses ainsi qu’en escapades sexuelles me fut extrêmement précieuse. Elle me permit, par-dessus tout, de m’accoutumer autant à mon corps éthérique qu’à mon corps physique, de même qu’à ceux des hommes que j’avais rencontrés et qui, chacun à leur façon, ont contribué à mon épanouissement.

Ayant dès lors reconquis ma hardiesse et ma sérénité, tout me paraissait à nouveau facile, possible, réalisable. Je me permettais tout, je me sentais au-delà de toutes les contrariétés. Tout m’était accessible. La confiance que j’éprouvais envers mon être profond me donnait des ailes.

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