CONFIDENCES – MA VIE AUPRÈS D’ANDRÉ MOREAU

C’était le titre d’une conférence qu’André Moreau donnait ce soir-là. Nous étions une trentaine de personnes assises au salon à l’écouter. Cela remonte à plus de vingt ans, c’était dans mes tout premiers temps à ses côtés. Je m‘en souviens comme si c’était hier, puisque ce soir-là quelque chose de très fort a vibré en moi. André nous parlait de la signification du mythe et de l’importance de trouver son propre mythe pour se réaliser. Il expliquait que ce dernier est constitué d’archétypes susceptibles de donner du sens à des symboles et que de le découvrir et de l’actualiser dans sa vie pouvait rendre l’homme immortel. Il nous demandait si nous connaissions notre mythe. Deux ou trois personnes s’étaient prononcées. J’aurais été bien en peine de parler du mien !

Mais le travail de conscience se faisait dans mon esprit. Cette histoire de mythe ne me lâchait pas, j’y pensais constamment. Sans doute pressentais-je au plus profond de moi-même qu’il en existait un pour moi, qu’il participait même à mon insu à celle que j’étais réellement, du moins… à celle que j’étais capable d’être.

Plus jeune, j’adorais danser. Cela pouvait-il avoir un lien avec mon mythe ? Mais non, quand j’y repensais, cela faisait partie d’un passé révolu. Si un lien persistait encore, c’était que je m’imaginais souvent danser avec les dieux et partager leur sérénité ! Mais alors, était-ce en rapport avec la beauté ? Chaque fois que plus jeune je regardais ma mère se pomponner dans le miroir, ajuster ses faux-cils, porter de jolies robes et des talons hauts à la mode à l’époque, ce qu’elle incarnait à mes yeux relevait plus du rêve que de la réalité : c’était une facette de la beauté que je voyais se déployer devant mes yeux et ne pouvais que me sentir moi-même imprégnée de ma propre féminité. Une douce pensée faisait alors son chemin dans mon esprit : moi aussi je deviendrais une belle femme ! Fortement inspirée par cet archétype, je me disais qu’un jour j’écrirais sur la Beauté; je ne me contenterais pas de la contempler, je la consommerais de toutes les manières possibles et j’en propagerais même l’idée pour en nourrir le monde entier. Mais… tout ce que je réussissais à écrire sur le sujet finissait par se retrouver dans la filière 13 tant j’en étais insatisfaite.

« Le mythe a un rapport direct avec notre grande Idée », nous disait André.  Ce ne fut qu’après quelques années passées auprès de lui qu’un éclair se fit enfin dans mon esprit. Je commençais à comprendre que toutes nos pensées antérieures (et mêmes celles à venir) ainsi que tous nos gestes posés (et ceux que nous poserons)finissent par nous conduire quelque part, exactement là où se trouve notre destin. Même si je ne le savais pas encore, je percevais que si mon ‘’ destin ‘’ m’avait conduit vers André Moreau  –  un homme d’esprit mu par la vérité  –  , c’était en réalité vers mon Grand Destin que je m’avançais, car on ne pouvait s’approcher d’un tel homme sans en être profondément marquée. Il m’en revenait désormais de constituer ce Grand Destin ou non.

Nous ne sommes jamais là où nous nous trouvons par hasard, et d’en prendre conscience nous aide à voir plus clair en nous-même. Dès  le début, m’associer à l’œuvre du philosophe pour la mieux faire connaître et apprécier me stimulait énormément et me donnait l’impression de faire exactement ce que je devais faire. C’était comme si cela donnait un sens à ma vie. Je ne pouvais faire autrement, j’étais mue par un élan qui me propulsait bien loin en avant de moi-même : c’était en réalité mon mythe qui se montrait le bout du nez, et cela grâce à ma grande Idée qui se précisait !

Parler de la philosophie jovialiste, ne cesser d’en parler, la ressentir jusque dans mes moindres cellules, l’actualiser dans ma propre vie,puis m’en servir comme base de référence dans mes romans, dans mon Journal et dans tous mes écrits finirent par composer la visée de mon absolu. C’est exactement ce qui allait me permettre de réaliser ma propre entéléchie (finalité de ma vie).

C’est à partir de ce moment-là, je crois, que quelque chose commença à grandir en moi;  quelque chose d’inexplicable, comme un agrandissement du dedans. Avec les années, je devenais plus vaste (même s’il m’arrivait encore de me perdre de vue), plus sereine (en dépit de mes moments de dépression), plus solide sur le plan mental et émotionnel (malgré de fortes émotions encore mal gérées). Mais surtout, j’acquérais de la confiance, cette confiance hyperbolique envers mon être profond dont parle André et qui se cristallisait en moi.

Quelques années plus tard, je découvrais stupéfaite que mon propre nom de famille ‘’ Lacoursière’’ était porteur de mon mythe ! Ce fut-là toute une révélation, presqu’un choc ! Le coursier étant celui qui peut traverser mers et mondes pour aller livrer les missives de son seigneur aux personnes concernées, il représente son ambassadeur tel Mercure auprès de Jupiter. Ainsi, à titre de relationniste et, après avoir tenté à maintes reprises et de diverses façons de promouvoir l’œuvre du philosophe, je dus réaliser à un certain moment que tout me prédisposait à devenir sa coursière ( sa messagère). La messagère du Grand Jovialiste ! Pourquoi pas ? Si André Moreau avait découvert son rôle spirituel sur terre dès l’âge de 12 ans en lisant Nostradamus, je devais découvrir le mien plus tard en lisant Moreau !

La constatation surprenante de cette évidence amplifia ma confiance et l’audace qui me permirent bientôt de prendre la place qui me revenait aux côtés d’André et de l’assumer pleinement. Il ne faisait désormais nulle doute que je m’étais mise au monde pour répondre au besoin que j’avais de moi-même, pour paraphraser Malraux, et ce besoin correspond chez moi à un désir intense de m’éveiller par le biais de mon mythe. Le fait de l’assumer pleinement me remplit toujours d’une joie indicible.

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