À peine étions-nous à bord de l’embarcation, qu’aussitôt, la jeune fille saisit le haut de son maillot de bain et le retira. Ses seins halés ne laissaient aucun doute quant à son habitude d’exposer sa poitrine au soleil.

   Bien sûr, je connaissais cette coutume française, quoique je n’avais pas nécessairement le désir d’y souscrire si rapidement. Non que ces mœurs étrangères me troublaient à cause d’un puritanisme quelconque, ou si peu, mais plutôt parce que j’éprouvais un léger malaise à l’idée de me voir à moitié nue devant mes nouveaux amis. J’aurais préféré dévoiler une partie de mon intimité en un moment où cette offrande eut pu être davantage appréciée. Il me semblait que la situation banalisait le geste, bien qu’elle fût normale en France. J’imitai néanmoins notre compagne, désireuse moi aussi de profiter pleinement du soleil. Je tirai sur la ficelle arrière de mon haut de bikini et retirai ce dernier. La jeune fille demeura inattentive à ce geste anodin, mais les deux mâles, parfaitement au courant que les coutumes québécoises différaient des leurs, feignirent une indifférence malicieuse. Les premières secondes d’embarras passées, je me laissai charmer par les caresses de la brise sur ma peau, et m’abandonnai avec ravissement au soleil, sans gêne, sans honte et sans retenue.

   Toujours au volant de l’embarcation, Dieter s’en donnait à cœur joie. Sous l’effet de l’alcool, sans doute, je m’amusais à flirter tantôt avec lui, en lui jetant des regards aguichants, tantôt avec Joël et la belle naïade, allongés tous deux sur le pont. Étendue entre les deux, je me retournais alternativement vers l’un et l’autre, caressant les seins de la fille émoustillée par le champagne ou effleurant de ma main, dans un geste sensuel, la poitrine, les jambes ou le visage de Joël. Je me collais à eux et me vautrais langoureusement sur leurs corps livrés à mon étreinte dans un jeu de plaisir consenti. La jeune fille, désinvolte, participait à nos ébats et jouissait aisément de la situation, alors qu’entre Joël et moi se manifestait, à nouveau, subtilement, un attrait irrésistible.   

   Dieter nous regardait, riait et profitait du divertissement. Son regard complice et consentant m’encourageait. Malgré son désir pour moi, je m’étonnais de constater la souplesse avec laquelle il négociait avec les événements, trop lucide et intelligent qu’il était pour être dupe de mes manèges. Je ne l’en appréciais que davantage. D’autant plus que de le voir debout, maniant habilement la roue, toujours aussi confiant que lors de notre première rencontre, renforçait soudainement chez moi mon désir singulier pour lui.

   Après une bonne heure de promenade, nous nous dirigeâmes vers la rive, mais cette fois en un point différent du premier.

     __ Nous approchons d’Antibes! me cria Dieter en me désignant du doigt les plages au loin.

   À cause du niveau de l’eau trop bas, il dut ancrer le bateau à une trentaine de mètres du rivage. Un très beau jeune homme accompagné de deux jeunes enfants vint alors à notre rencontre à bord d’un gros canot pneumatique jaune. Croyant qu’il s’agissait de l’ami en question, je compris bientôt que ce passeur, grâce à son embarcation très légère, véhiculait les gens jusqu’à la plage. Le jeune homme nous invita à monter à bord l’un après l’autre.

   Quelques minutes plus tard, nous débarquions dans un endroit remarquable.

   Était-ce l’ardeur du soleil qui m’avait grisée? L’éblouissement de la mer qui avait projeté devant mes yeux l’illusion d’un paradis tropical? Ou alors, l’alcool déjà consommé qui me rendait si euphorique? Je ne sais trop, mais j’éprouvai aussitôt le sentiment de me trouver en un lieu magique, dans un décor de rêve chargé d’érotisme. De grands palmiers s’enchevêtrant avec des arbres en fleurs étiraient l’ombre de leurs palmes sur le sol. Le sable, d’une blancheur incandescente, flamboyait sous les rayons du soleil. Une cabane exotique construite de bois et de paille, en retrait sur la gauche, abritait un bar-restaurant d’où nous parvenait un air de reggae. Le gazouillement des petits oiseaux voltigeant autour de nous, la brise aromatisée et les gens presque nus, peut-être une dizaine, étendus sur des chaises longues ou assis aux tables extérieures, me semblèrent, pendant un instant, un mirage ondoyant. Malgré mes quelques voyages précédents, jamais je n’avais vu un lieu semblable. C’était un site quelconque, certes, artificiel, au surplus, mais cette évocation de l’Éden nourrissait mes sens, amplifiait en moi le sentiment de la fête, du plaisir, de la volupté. Les humains ne sont pas faits pour le travail, les sacrifices et les souffrances, me dis-je, mais pour les vacances!

   J’eus une pensée pour Moreau. J’aurais tant voulu partager ma joie avec lui en ce moment!

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