L’hédonisme est connu pour être la philosophie du plaisir. Les Sybarites, qui vivaient au 6e siècle av. J.-C., s’adonnaient à des épanchements lubriques inspirés par les fêtes du calendrier et les célébrations religieuses. À l’époque de Pythagore, ils opposaient à celui-ci une philosophie de la douceur de vivre plutôt qu’une philosophie de la maîtrise de soi et de l’ascèse intérieure. C’est pourquoi ils furent persécutés et virent leur ville incendiée.

Trois siècles plus tard, Épicure a donné des lettres de noblesse à l’attitude philosophique orienté au plaisir, en la couronnant d’une éthique dominée par l’ataraxie (qui signifie le repos du sage). Détente, indifférence joyeuse, détachement devenaient les attributs de la sagesse. Des 200 traités qu’Épicure a écrits, trois lettres seulement nous sont parvenues. Déconsidérés par l’époque, ses disciples étaient traités par Cicéron comme « les pourceaux du troupeau d’Épicure ». Encore une fois, le consentement aux plaisirs de la chair, aux célébrations gastronomiques et, au bonheur, tout compte fait, passaient pour dégrader l’homme en l’emmenant à penser à des choses futiles plutôt qu’à s’intéresser à la politique ou aux affaires dites sérieuses!

La Renaissance Italienne, qui devait sortir le Moyen Âge des ténèbres, fit renaître à nouveau l’esprit festif de la chair victorieuse et de la beauté du corps, avec ses œuvres d’art représentants les dieux de l’Antiquité dans leur plus simple appareil. Beaucoup de sculptures, par la suite, furent recouvertes de feuilles de vigne par l’Église, le sexe lui apparaissant sale et impur.

Plus tard, avec la Belle Époque et les Années Folles, nous vîmes les écrivains, les artistes et les acteurs, sous l’influence de la psychanalyse et du surréalisme, revaloriser la sexualité et l’érotisme. Le mouvement d’André Breton fit appel à l’inconscient, aux rêves et aux symboles pour inspirer un art nouveau et un relâchement des mœurs. Mais les guerres chaque fois venaient mettre un terme aux festivités, et à ce que celles-ci apportaient de positif à l’homme.

Plus près de nous les existentialistes, les beatniks et les hippies contribuèrent à jeter les bases définitives d’une nouvelle conception de la liberté. Le jovialisme, cependant, s’en détourne du fait qu’il n’adhère pas au cul-de-sac intellectuel proposé par les existentialistes qui sont des partisans de l’absurde, ne rejoint pas les beatniks qui ne présentent pas à la société un système du monde pour remplacer l’ancien, et ne va pas non plus dans le sens de la conception désabusée des hippies rendus improductifs par l’usage des drogues.

En ce sens, le jovialisme n’est pas un hédonisme. C’est une philosophie de l’immanence qui invite l’homme à toujours trouver le bonheur en soi, à en faire la racine de son rapport aux autres et au monde. Il s’agit d’apprendre à compter sur soi avant tout pour donner de l’agrément à sa vie.

Le jovialiste est pour lui-même son meilleur ami, car il s’en remet à son être pour assurer la rectitude de sa pensée. Sa vérité ne se définit pas par son rapport au monde extérieur ou par le consentement de la majorité, mais par son rapport à soi : est dans le vrai celui qui ne se désobéit plus, celui qui s’inscrit dans le courant profond qui le pousse en avant et qui célèbre l’énergie qui émerge en lui en en faisant une raison de vivre.

Donc, le jovialisme est venu donner une envergure à l’hédonisme primitif en élaborant une métaphysique permettant d’encadrer ce courant qui a toujours été marginalisé par la politique et la religion. Il a fait également une grande place aux femmes en leur présentant un système qui respectait les valeurs féminines et s’en inspirait. Des concepts comme l’ouverture, la jouissance, la complicité, l’abandon, la liberté, le laisser-être, l’intuition sont essentiellement des concepts qui plaisent beaucoup à la femme. Ils n’ont plus rien à voir avec les concepts rigides suggérés par la religion et le cartésianisme qui s’inspire de valeurs essentiellement masculines.

Le jovialisme vient donc arrondir les angles aigus de la morale qui est à l’origine d’une vision dualiste du monde. Une telle philosophie met l’accent sur la souplesse et l’élasticité, sur la liberté et la créativité, l’érotisme et le rêve. Nous sommes très loin ici de la civilisation chrétienne capitaliste qui met l’accent sur le contrôle, l’effort et le travail.

Comme le dit André Moreau, le temps est venu de donner un visage à nos rêves. Il y aura du changement. Et cette fois-ci, ce sera la bonne !

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