Confidences – Ma vie auprès d’André Moreau

Journal 2008, avril

Le philosophe me disait que j’étais la personnification parfaite d’Alice aux pays des merveilles. En effet je découvrais un univers de culture, de connaissances, de transparence, de vérité et de liberté où la fête et l’érotisme servaient de tremplin pour s’épanouir et je n’avais pas assez d’yeux pour tout voir et pas assez d’oreilles pour tout entendre ! Moi qui avais souhaité un jour être plongée en permanence dans l’atmosphère d’une bibliothèque, voilà que l’appartement de Moreau et de la « Déesse » m’en offrait la possibilité. En effet cette dernière m’accueillait comme si j’étais sa jeune sœur bien-aimée et un lien intime nous lia très rapidement, si bien que j’étais toujours rendue chez eux.

Au tout début, même si mon désir d’approfondir l’enseignement jovialiste était parfaitement conscient, je me rendais compte que cette nouvelle façon de voir la vie m’était difficile à assumer. Avant de rencontrer Moreau, mes valeurs, mes principes, ma conscience morale étaient fortement empreints de la religion catholique traditionnelle : je croyais en Dieu, celui que l’on prie à genoux à l’église, et il m’arrivait même encore à l’époque d’aller à la messe certains dimanches ! J’apprenais désormais à bénir au lieu de prier, ainsi qu’à laisser grandir mon être profond (celui qui est plus moi-même que moi-même) au lieu de m’en remettre à un Dieu extérieur à moi. D’autre part, je n’avais jamais expérimenté autre chose en amour que le couple exclusif, et mes aventures sentimentales depuis mon divorce étaient très limitées.

Tout en me familiarisant avec la culture générale, car je possédais ce que le philosophe appelle la libido sciendi (la soif sexuelle de connaissance), j’étais en réalité à l’ÉCOLE DES ÉMOTIONS. Je faisais mon apprentissage de la vérité et de la liberté en amour, peut-être ce qu’il y a de plus difficile à réaliser pour quiconque sur Terre, et sans doute aussi la raison pour laquelle la plupart des gens préfèrent continuer à mentir à leur conjoint. La vérité exige beaucoup de présence à soi, de compréhension envers soi-même et les autres, d’ouverture et de confiance personnelle, ce qui n’était pas nécessairement mon lot au départ. Mais heureusement, « la Déesse » était toujours là pour m’aider à comprendre ce que je n’arrivais pas à saisir par moi-même.

Eh oui, je dus réaliser que sur le plan de la jalousie, je n’étais pas mieux que les autres femmes ! Mon esprit se trouvait constamment embrumé par mes émotions perturbées, surtout lorsque j’aurais voulu être auprès de Moreau alors que je le savais dans les bras d’une autre.

J’ai été jalouse, anxieuse, inquiète, souvent acrimonieuse. J’ai claqué des portes. Tantôt j’assumais parfaitement ce mode de vie que j’avais choisi, tantôt je n’y arrivais plus. J’avais le cœur en boule, l’estomac dans les talons, les pleurs faciles, la rage redondante. Tout ce méli-mélo de sentiments amers correspondait en moi à une forme de maladie ─ la peste émotionnelle ─ dont André faisait les frais autant que moi, car j’avoue que je le prenais souvent en otage. Mais sans relâche, je me répétais que je finirais par éduquer mes émotions, que j’arriverais un jour à apprivoiser mes inquiétudes, à me faire confiance intégralement par le biais de l’ouverture d’esprit en amour et que cela me permettrait enfin de devenir plus vaste.

J’étais comme la plupart des gens au Québec. Avant de rencontrer André Moreau, je l’avais entendu parler à la radio, vu à la télévision et avais écouté plein de choses à son sujet. Certains le qualifiaient de comique, de bouffon, d’autres de provocateur génial, de philosophe très inspiré et avant-gardiste, d’autres encore de fou. Non compris, il était ridiculisé pour ses propos incompréhensibles, sinon conspué pour oser dire tout haut ce que les gens préféraient ne pas entendre : le contraire d’a-peu-près tout ce qu’ils avaient appris à la maison, sur les bancs de l’école ou à l’église! Étant sa compagne, j’avais à négocier avec tout cela, en plus de voir certains de mes amis s’éloigner de moi et ma famille craintive pour mon salut éternel. Seule la confiance que j’avais en mon propre discernement arrivait à me rassurer.

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